top of page

Texte  : "Still the Sea"
écrit par d'Hélène Konkuyt 2019

Still the siren

« Vidéo » , je vois, et pourtant bien avant de voir, j’entends. Une voix de femme émerge, Delphine Seyrig lisant Marguerite Duras..  Est-ce une voix qui fait ou qui défait, qui guide ou qui égare ? Cette voix déroute, indique un déplacement, une question, une quête, elle initie un mouvement. Vagues, bruits d’eau, quelque chose glisse vers la mer. Et ainsi vont les odyssées.

 

Intus et in cute

On plonge sous la surface, les tissus, la texture des lèvres ; on plonge dans la gorge, dans le souffle et les premières alvéoles, au coeur du corps. Les discours ont cessé

pour laisser place au monde des pulsations, des battements, des globules et bulles d’air

emprisonné…l’eau, la vie, les premières cellules.

On est quelque part sous la peau avec la buée des mots, dans les espaces balbutiés où des fulgurances soudain éblouissent et déboussolent. On perd pied pour entrer dans un domaine mouvant où la danse, créant le rythme, brouille le temps et impulse les métamorphoses.

Un être est là en gestation. Il respire et esquisse quelques gestes vifs. Il danse avec la caméra et tout le paysage danse. La lumière danse et le son lui-même danse offrant

ainsi l’expérience sensible du tangage, du glissement et du déplacement. Point de narration sinon celle d’un écran de cinéma sorti des flots, replié comme une chrysalide

puis déplié en écrin de beauté, ou tout autre chose - une poche à crever les orages, une robe de peau qui n’aurait pas la couleur du temps. Ou encore tout autre chose - comme

une solitude, une course matinale, une pensée en fuite, un vertige chorégraphié. Comme un désir d’étreinte ou une menace d’étouffement. Ou encore simplement un être qui, écartant les rideaux, ouvre une fenêtre.

 

Still the cinéma

Des formes, de l’informe invitent au voyage, à glisser selon les points de vue : dessus, dessous, dedans, dehors. On plonge et contre-plonge. Entrer en vidéodanse c’est

accepter de larguer les amarres, décaler le regard et renoncer à voir, pour voir trouble, être troublé, pour voir autrement et même tout autre chose comme voir avec les sons et vivre cette synesthésie jusqu’à la saturation. Sentir. renaître peut-être. A travers les ombres et les reflets fugaces, le spectateur oscille entre revivre et réinventer.

Va-t-il désapprendre à voir, marcher et parler pour apprendre à danser? Une expérimentation cinématographique. Dans les cavernes, dans les ateliers, les corps ou les salles obscures, l’art ouvre une brèche, une échappée où se construit l’itinéraire d’une écriture sensible et mystérieuse qui nous remet au monde. « Still the sea » s’ouvre avec ces voix de muses, des mots en musique comme des auspices en quête « d’autre chose », une autre « beauté », peut être aussi d’un autre cinéma, d’un langage fait de mots articulés mais aussi d’images, d’ombre et de lumière, de sons et de gestes, un langage en mouvement.

Hélène Konkuyt

bottom of page